On dit que la dépression est la maladie du siècle. Les livres de psychologie font non seulement la liste des symptômes, mais aussi des phénomènes observés : changements d’humeur et des habitudes de sommeil, tristesse qui s’installe, souffrance, vide, découragement, perte de confiance en soi, sentiments d’impuissance… Nous ressentons en notre for intérieur un malaise permanent et des sentiments de faiblesse quant au fait d’y remédier.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que que la dépression soit la maladie de ce siècle. S’il est vrai que l’individu est soumis à des contraintes qui lui sont imposées depuis que l’État et ses institutions existent, il est à mon avis tout aussi vrai que le progrès de l’existant a accru la difficulté de s’y opposer ou le sentiment de cette impossibilité.
En plus de la subordination, de la routine, du travail, des hiérarchies sociales et de l’aliénation de l’humain, de l’économie et de la morale, réduisant dès le départ l’individu à néant, il existe aujourd’hui aussi un appareil technologique et scientifique qui nous prive des derniers restes de courage pour désirer avec ardeur quelque chose d’autre. L’aliénation objective de l’individu, vis-à-vis de ses relations, de son énergie et de son temps, a été accompagnée par l’aliénation de ses émotions et de sa faculté d’action. On est dans la merde et on ne peut rien faire pour changer cela, peu importe que ce soit réel ou fictif, puisque l’évolution d’un jour à l’autre ne correspond en rien aux besoins réels et immédiats.
« Vivre » ne se résume presque plus qu’aux devoirs et aux rôles que nous remplissons, et c’est la raison pour laquelle nous nous sentons condamnés à les reproduire.
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