Sans l’école rien n’est possible, sans cette formation à la soumission, sans ce rognage d’ailes précoce, les individus ne pourraient pas s’imbriquer pour former ce système abject. L’école ce n’est pas » les premiers pas de la vie autonome « , c’est la mort provoquée de l’individu, de sa particularité, de ses désirs, de ses rêves et de ses idées. Pendant plus d’une décennie on va t’inculquer des matières insipides, froides, et prédéfinies, d’une manière insipide froide et prédéfinie. On sortira tous de là mutilé-es, avec des désirs qui rentrent dans des cases et la volonté de ne surtout pas jurer avec l’ensemble pour ne pas se faire humilier et recaler.
Beaucoup de personnes ne se rendent pas compte de tout ce que l’école leur a pris, elles se sont habituées à fonctionner d’une certaine manière, en allant dans le sens de cette société et celle-ci les en félicitent. Pourtant elle nous a ôté plein de possibilités de faire, plein de possibilités d’apprendre. Combien de personnes, après toutes ces années de matraquage, arrivent à créer des choses pour soi ou pour juste l’envie de les faire, sans attendre de récompense ou sans être obligé-e. Combien de personnes arrivent à avoir des discussions à plusieurs sans chefs et sans médiateurs sans que ça ne devienne la cacophonie ? Combien de gens ont encore envie de rêver à tout ce qu’iels pourraient entreprendre sans se demander si c’est rentable ? Combien de gens arrivent-iels encore à se dresser face à l’autorité, à dire non ? Les adultes utiles au système oublient généralement la souffrance intense qui accompagne la fréquentation d’un établissement scolaire, l’immense souffrance que d’être un enfant complètement soumis à l’autorité de ceux qui savent, parents ou profs. Moi, je n’ai pas oublié ce que cela avait de mortifère de devoir demander la permission pour tout, boire et manger, se lever, marcher, parler, répondre, sortir…
En classe, pour vivre, il faut demander la permission. Je n’ai pas oublié tout ce contrôle et cette humiliation. Je ne peux pas avoir oublié ces années interminables dominées par la peur et l’ennui. Pour quiconque n’a jamais été à l’école, il est impossible de se décrire cet inimaginable ennui, ce tragique agacement de ne rien pouvoir faire. On dessine dans les marges, on chique, on fait la chaise à un pied, on s’envoie des messages… Tout plutôt que subir sans broncher. Et cette angoisse qui t’accompagne sur le chemin de l’école, dans la cour de récré, dans le réfectoire, la peur d’être appelé au tableau, la peur devant tes feuilles de contrôle et d’examens, la peur quand tu rentres chez toi et que tu dois présenter ton cahier de notes à tes parents. La peur d’être ce qu’ils disent parfois que tu es; une nulle, une lente, un inadapté, un looser.
Notre société élève ses gosses dans la crainte et on s’étonne qu’une fois « émancipés » les gens continuent de ployer l’échine quotidiennement, tout en regardant avec rage ceux qui voudraient faire différemment. On redoute les malheurs et les douleurs qui peuvent arriver, on se conforme, on baisse la tête devant les persécutions faites à d’autres, on regarde ailleurs pour ne pas être à son tour la cible de réprimandes. Et c’est à raison que l’inquiétude nous tenaille, l’école est un endroit disciplinaire et la caractéristique de ces lieux c’est que la surveillance y est omniprésente. Peu de recoin pour se cacher, aucun pour se soustraire à l’appel, impossible d’échapper au contrôle des éducateurs. Et de la surveillance découle la punition. Quel intérêt de surveiller si ce n’est pour punir les comportements jugés inappropriés?
À l’école, comme dans notre démocratie, tout ce qui n’est pas autorisé par un règlement est interdit. Le danger y est présent dans tout adulte, du concierge au directeur, tous sont payés pour jouer aux flics. Même le parent le moins gendarme se retrouve embrigadé dans des histoires de contrôle et de signature. Et chacun s’habitue à tout ça, à la peur permanente, à la frustration, à la surveillance. Il n’est pas étonnant que, devenus adultes, beaucoup réclament plus de police, plus de caméras et plus de peines de prison, ils ont juste très bien retenu les leçons qu’on leur a enseignées. Il ne conçoivent la vie que disciplinaire avec des écoles pour apprendre à se taire, des casernes pour apprendre à obéir, des prisons pour apprendre à mourir.
L’école c’est une prison. Déjà visuellement la ressemblance est flagrante: Des grilles pour pas qu’on s’échappe, des gardiens pas sympas aux portes, des sonneries pour limiter le temps, des règlements absurdes et dégradants, des punitions en veux-tu en voilà, des « espaces verts » quasi inexistants, de la bouffe qui ressemble à de la merde. Que ce soit dans l’institution scolaire ou pénitentiaire, on t’enferme parce que tu représentes un danger pour la société telle qu’elle est, et un danger pour toi-même. Tu es alors, sans formation préalable, inapte à t’intégrer de manière satisfaisante à celle-ci, d’autant plus si tes parents sont un peu des rigolos, des mécréants, ou des immigrés. T’es trop libre, trop imaginatif, trop imprévisible ou en tout cas trop comme ci, et pas assez comme ça ; en un mot trop toi et ça, ça peut mettre en péril le bon déroulement de notre monde d’exploitants et d’exploités. Qu’est-ce qui arriverait si par exemple tu refusais d’aller voter, de travailler ou de respecter une hiérarchie parce que juste » t’aimes pas ça » ? Ceux qui veulent gagner du fric sur ton dos seraient bien embêtés et surtout, il y aurait un risque énorme que tu contamines d’autres gens avec tes envies libres et qu’horreur, ce monde finisse par changer complètement.
Mais, heureusement, ces messieurs du pouvoir ont inventé l’école et en son sein il sera possible de te (trans)former. Car il est surtout indispensable de te modeler pour que tu puisses emprunter le bon chemin, celui de la réussite et de la consommation, si tu fais partie de ces privilégiés-là ou celui de l’obéissance et de la résignation, si tu fais partie de ceux d’en bas, dans les deux cas celle du sacro-saint travail. Pendant plus d’une décennie, on va te forger un caractère, une pensée, un savoir, qui ne te seront pas profitables à toi en tant qu’individu, mais à l’ensemble de ce système (et on sait qu’il profite à certains bien davantage qu’à d’autres). Et pour que tu ne doute pas, que tu ne tentes pas de remettre la parole du maître en question, on te dira que ce savoir est objectif, que ce qu’on t’apprend est vrai parce que ça a été écrit dans des livres par des hommes arrogants, et tu peux réciter tes leçons en fermant les yeux et si possible vivre jusqu’à ta mort comme cela, en récitant et en fermant les yeux…
Bien sûr que quelques-uns auront la chance d’y découvrir des choses et des personnes fascinantes, certains profs parviendront à trouver grâce à tes yeux. En effet, il se trouve que même dans les pires endroits du monde, des casernes aux usines, il arrive qu’il se passe des choses formidables entre des humains. Je ne pense pas que l’école favorise ces échanges, que du contraire, mais entre des individus passionnés, malgré ce décor abject, des instants fugaces d’émerveillement peuvent survenir. Entre les dalles de béton d’une route, de minuscules petites fleurs arrivent péniblement à éclore, mais elles fleuriraient sans aucun doute plus facilement et en nombre beaucoup plus important si on faisait sauter le béton ou qu’on le recouvrait de terre… Pour l’école c’est pareil, malgré elle on arrive à s’instruire, mais sans elle l’apprentissage serait tellement plus riche et foisonnant parce que libre donc librement consenti.
Je pense que l’école dégoûte de tout ce qu’elle essaie de nous forcer à apprendre. L’école est obligatoire et qu’en ça, elle ne peut être passionnante. Rien de ce qui est obligatoire ne peut être passionnant ou alors quelle bien triste passion. La passion se tient du côté de l’amour et l’amour obligatoire n’existe pas. Enfant, je ne comprenais pas pourquoi j’avais tant de facilités à retenir ce qui me plaisait, comme les histoires qu’on se racontait entre amis, et tant de mal à ingurgiter les tables de conjugaison et de multiplications. La réponse était dans la question, parce qu’on mémorise joyeusement ce qu’on a appris avec envie et frénésie. L’enseignement scolaire assimile l’apprentissage à l’abnégation de soi et à la soumission, pas étonnant que les gosses soient si dégoûtés d’apprendre. Et à cause de tous ces programme officiels qui établissent un contrôle strict sur ce qui est transmis, il y a tant de matières, qu’il reste après bien peu de temps pour avoir intensément envie d’apprendre autre chose, quelque chose qu’on aurait choisi personnellement.
Heureux la rêveuse, le distrait, la chahuteuse, le bavardeur, et la sécheuse, l’absent d’une manière ou d’une autre… Heureux celles et ceux qui pendant ces années, où on nous force à l’ennui et à la médiocrité, arriveront à récupérer ça et là un peu de temps qui leur est volé, qui parviendront à s’occuper l’esprit, à rêver, à réfléchir et à rire dans cette salle de classe où on t’oblige à t’oublier. Ceux-là en sortiront un peu moins lobotomisé-es que d’autres. Parce que c’est vrai que le dressage est efficace : Ces élèves gentils, disciplinés, polis et souriants seront presque tous adultes des trouillards qui ramperont sans jamais faire d’histoire. On veut nous enseigner à être capable d’effectuer des tâches pénibles, à faire des choses allant contre notre volonté, à se sacrifier pour atteindre un but (fixé par d’autres, fixé par tous sauf nous). Pour beaucoup de parents, voilà le but concret et l’effet tant désiré : arriver à se faire violence. Mais pourquoi vouloir nous imposer de tels dispositions si ce n’est pour pouvoir nous utiliser à oeuvrer à des choses contre notre gré et à trouver ça, si ce n’est satisfaisant, au moins inexorable. On veut nous asservir et que ce soit fait avec notre consentement manipulé.
L’autre raison, souvent invoquée par ses parents responsables et inquiets pour légitimer le passage forcé dans cette institution, et que sans l’école et sans l’obtention d’un diplôme, on anéantirait toute possibilité d’être compétitif sur le marché de l’emploi. Mais cet argument perd toute signification à partir du moment où l’on refuse de se servir de la compétition pour assurer sa survie. Je ne veux pas de leur vie minable, école, boulot, dodo. Je n’ai que faire de leurs diplômes, je ne veux pas me hiérarchiser par rapport aux autres, je méprise leurs titres et leurs fonctions. Trouver du fric sera toujours pénible, mais si je refuse d’être un chef je pourrais déjà assurer ma survie sans être le supérieur de personne. Dans leur programme, je n’ai jamais rien trouvé qui m’aurait appris à me débrouiller, à survivre, à aimer ou à me créer la vie que je désire… Tout ce que je veux savoir, je peux l’apprendre en dehors, avec comme seul maître ma volonté. Et résolument, tout ce qu’on m’y a transmis d’utile, j’aurais pu l’acquérir ailleurs avec tellement plus de joie. L’école c’est le contraire de la vie, je regrette profondément d’y avoir sacrifié tant d’années et tant d’envies. Je ne forcerai jamais personne à y aller et j’encouragerai tout individu qui voudrait s’en échapper.
En classe on te dira que certaines matières doivent absolument être sues. Que lire et écrire sont indispensables à chacun, au contraire de naviguer ou de danser. On hiérarchise aussi les savoirs, il n’y a pas de matières à connaître qui seraient indispensables à l’épanouissement de tous et tous, elle le sont à un moment donné et surtout dans une certaine société donnée. Notre monde, cloisonné et limité, nous impose de pouvoir fonctionner en lisant des règlements et en calculant des bénéfices. Toute cette éducation obligatoire forme dans un seul but; celui de faire de nous des travailleurs-citoyens. Courir tout nu dans les bois ne fait pas partie des choix que tu peux faire pour toi-même. L’éducation nous parle de donner les bases essentielles au développement de n’importe quel individu, qu’il existe des matières primordiales à savoir, sous peine de se rapprocher de l’animal, du barbare, du primitif. C’est-à-dire de ne pas vraiment faire partie de l’Humanité, la belle, la grande, celle qui marche main dans la main (et guerre après guerre) vers cet avenir d’élévation morale et de prospérité capitaliste. Et même en laissant de côté notre société putride et ses commandements, comment tout ces êtres humains uniques pourraient-il s’épanouir de la même manière, avec les mêmes clefs et les mêmes horizons?
Il paraît évident que mes motivations et mes dégoûts ne sont pas les mêmes que les tiens. Nous sommes si différents, pourquoi penser qu’un même moule de connaissance pourrait nous convenir à tous? Pouvoir lire et écrire c’est super, tout comme chanter et grimper dans les arbres. Aussi quel intérêt franchement à tous savoir à peu près la même chose? Quel ennui. Plus varié et plus inattendu sera le savoir des autres et plus il sera intéressant de se rencontrer, de se découvrir, de se partager. Moi, je pourrai peut-être te raconter des histoires, partager avec toi l’art de la cuisine ou t’apprendre à te défendre… Toi, tu pourras m’enseigner comment construire une maison, à reconnaître les étoiles ou à savoir soigner une blessure ou une maladie… Décidément, je ne pense vraiment pas qu’il y ait un savoir profitable à tous et qu’il faille absolument s’y subordonner. On pourrait apprendre tout le temps et avec plein de gens différents ou seulement avec quelques personnes. Nos connaissances pourraient mûrir au gré de nos rencontres, de nos voyages. On pourrait apprendre plus fort et beaucoup mieux en apprenant juste ce qu’on a envie de savoir par utilité ou par curiosité.
Mais non, à la place tu devras subir toutes ces matières insipides et rigides qui servent de la propagande institutionnelle, étatique et démocratique. Comme la géo qui t’apprendra, comme si cela allait de soi, à respecter des frontières et » l’aménagement du territoire « , à diviser le monde en nations et en peuples, à reconnaître des drapeaux, en bref, à devenir nationaliste. L’Histoire, elle, te dira d’applaudir les rois, les généraux, les colonisateurs, et les napoléons de tout poil, de réciter des dates qui célèbrent l’anéantissement de cultures diverses et de révolutions passées. On insistera particulièrement sur des guerres atroces, parce qu’il faut bien qu’on comprenne et que surtout on n’oublie jamais que » l’homme est un loup pour l’homme et que sans chef éclairé qui dicte ses lois et sans milice pour les faire respecter, on va tous s’entretuer ». On va t’apprendre grâce à la sainte Science, que l’homme peut et doit tout maîtriser, tout comprendre, tout disséquer, que rien ne lui échappe, qu’il est maître de cette planète, du cosmos et de son fonctionnement. En gros, que la science déifie l’humain, que grâce à elle il peut se comporter en despote tout puissant, qu’il peut défier la mort et maîtriser totalement son environnement. Avec le français et son orthographe d’une complexité qui en devient ridicule, on pourra entamer le grand élitisme et distinguer ceux qui savent les mystères de la grammaire et de la conjugaison de ceux qui tâtonnent.
Les matières sont » mal enseignées », rester assis des heures durant à écouter une personne débiter les mêmes principes, souvent sans passion, ne permet pas réellement d’apprendre et encore moins de retenir quoi que ce soit. Il est assez éloquent de constater qu’après tant d’années d’acharnement éducationnel, la plupart d’entre nous restent toujours incapables d’aligner trois phrases correctes d’anglais ou de néerlandais ou d’effectuer une division euclidienne. Il semble en effet peu probable qu’enfermer des gens en les forçant à retenir des matières qu’ils n’ont pas choisies, à coups de récompense et de punition, soit la méthode idéale et l’environnement adapté à l’échange et l’appropriation des savoirs. Mais je pense surtout qu’en réalité l’école remplit très bien sa fonction. Les institutions en général peuvent se draper dans les beaux principes qu’elles se sont assignées, il n’en reste pas moins que leur rôle réel et l’objectif qu’elles atteignent brillamment est celui du maintien et de la perpétuation de ce monde de merde.
Et je crois savoir que l’école est une de ses cartes maîtresses, car au contraire de la police par exemple, la grande majorité des gens lui prêtent une confiance aveugle et ont une foi profonde en ses bienfaits et en son utilité salutaire. C’est quand même le premier truc que les envahisseurs ont construit en Afrique, après des routes pour acheminer les marchandises produites dans le sang des esclaves, des écoles pour leur enseigner à se comporter comme de bons petits prolétaires soumis et consciencieux. Et ce n’est pas très étonnant que ce soient les missionnaires de dieu qui se sont chargés, dans un premier temps, d’éduquer tous ces petits miséreux, d’ici ou d’ailleurs. Ces religions qui pensent sauver l’humanité en lui donnant une mission morale tout en se vautrant dans la richesse et les massacres. Elles condamnent le vice et le mensonge, mais proclament la soumission de l’homme par l’homme (et accessoirement par dieu), la domination étant son fonds de commerce. L’église et l’école sont faites pour marcher côte à côte, elles sont construites du même bois, celui du contrôle des individus, et ont revêtu longtemps le même habit, celui de l’élévation morale de l’Homme.
Car, oui, l’école avance masquée et ce qu’elle doit absolument nous transmettre, on le retient beaucoup plus profondément qu’on ne le remarque. En fait, on aura tous appris quelque chose pendant ces heures interminables, on aura appris ce que chaque minute passée en établissement scolaire tente de nous enseigner jusque dans nos chairs, ces savoirs comme des chevaux de Troie. Bim, je te fais croire que je t’enseigne l’anglais ou l’algèbre, mais en fait je t’apprends l’autorité et la compétition. Le truc de l’école c’est de nous forcer, de nous contraindre. On va tout d’abord forcer les corps avant même de former l’esprit, se lever, s’asseoir, manger, chier, pisser et dormir aux heures convenues. On y apprendra toutes ces choses qui 20 ans après nous semblent naturelles et pour lesquelles on a pourtant dû aller violemment contre notre volonté. On te dressera à répondre quand on t’en donne l’ordre et sinon à te taire, à respecter des règles, une hiérarchie, et des horaires exténuants, à accepter qu’il y a des » fort et des faibles », des exclus et des inclus. On t’incitera même à légitimer cet état de fait en applaudissant les plus » forts » (ceux qui font de meilleurs résultats que toi) et en se moquant des plus « faibles » (ceux qui lambinent dans le fond). On te dira que la compétition et le classement des uns par rapport aux autres est logique et même essentiel au progrès de l’humanité. On te dira même que tu as le droit de ne pas comprendre ce qui t’est enseigné tant que tu écoutes sagement et que ne réponds pas à ton professeur. Comme dans la vrai vie d’adulte, tu peux échouer du moment que tu te soumets.
Toute forme de solidarité entre dominés (les élèves) contre les dominants (profs, éducs, dirlo) sera réprimandée impitoyablement. Tu y expérimenteras la lâcheté et le goût de la connivence, même fugace, avec l’autorité, le plaisir de voir quelqu’un se faire humilier à ta place, soulagement intense que cette fois ça ne tombe pas sur toi. Et surtout on te sanctionnera violemment si tu triches avec l’ordre établi et que tu refuses de suivre les règles de leur jeu. Même si les ficelles sont grosses comme des poutres, c’est parfois à ton insu que l’on t’inculte ce qui doit vraiment servir à tous, au futur clochard comme au futur président, à garder ta place dans le rang.
L’école obligatoire va changer, elle l’a toujours fait, à coup de réformes droits-de-l’hommistes et libérales avec vue sur le marché économique. Elle se privatisera ou se re-nationalisera, elle deviendra européenne, elle se fera plus particulière, ou plus commune, en fonction des agitations du moment. Pour plus de modernité, elle épousera toujours davantage la marche de ce monde. Et ce monde sue la domination par tous les pores. L’école institutionnalisée et obligatoire ne peut se faire libératrice des individus. Tant qu’elle existera pour former une certaine société, pour forcer les individus à former un système déterminé, elle sera l’ennemi de ma liberté et de la tienne. Nos désirs et nos parcours personnels ne peuvent se réaliser dans un projet autoritaire, dans des buts pratiques et des objectifs moraux fixés par d’autres. Et nous ne pouvons attendre de l’autorité qu’elle s’effasse d’elle-même face à des pétitions, des récriminations et des menus changements. L’autorité qui se forge dans le lit de l’éducation doit être détruite, doit être mise hors d’état de diriger, car les changements qu’elle pourrait apporter tendront toujours plus à la renforcer. Pour vivre libre, il faudra refuser d’être asservis, et ce par la force et la violence nécessaire.
A mort l’autorité, commençons par les écoles !